lundi 21 mai 2012

La curation pour les nuls !


Le dernier numéro de la revue Documentaliste-SI, consacré à la curation, nous donne l’occasion de faire le point sur cette pratique, qui depuis le début de l’année 2011 fait l’objet de nombreux débats et discussions.

Une cure contre l’infobesité
Le mot curation vient de l’anglais content curation ou data curation, par analogie avec la mission du curator, le commissaire d’exposition chargé de sélectionner des œuvres d’art et de les mettre en valeur pour une exposition ; en remontant encore plus loin dans l’étymologie, les mots curator et curation prennent leur racine dans le latin curare, soigner. En effet, la curation de contenu est une pratique qui consiste à « prendre soin » des informations présentes sur le Web. Le but est de sélectionner les contenus les plus pertinents pour un sujet donné, les éditer et les partager, en leur donnant ainsi une meilleure visibilité et lisibilité. Elle serait donc le seul remède efficace contre la surabondance d’information que connaît le Web depuis les années 2000.

La découverte de l’eau chaude ?
La curation repose sur trois axes fondamentaux : la sélection des contenus ; l'éditorialisation, qui inclut l’organisation, la structuration et la mise en forme des ces contenus (grâce à des plateformes de curation et à des outils de publication automatique) ;  et le partage sur le Web. Mais quelle est donc la différence entre la curation et les activités qui constituent depuis toujours le cœur du métier des documentalistes, des veilleurs et d’autres gestionnaires de la connaissance ? S’il existe des nombreuses tâches en commun, les statuts, les objectifs et les périmètres d’actions des ces figures sont différents. Ainsi, on peut observer que le curateur 1) n’est pas un professionnel, mais un amateur 2) ne répond pas à des questions précises et ne pratique pas une diffusion sélective de l’information mais cherche plutôt dans ses centres d’intérêts avec le but de médiatiser le plus possible 3) transmet une information émergente et non consolidée 4) travaille sur une information instantanée 5) n’est pas un point de passage obligé, parce que tout le monde peut trier sans passer par lui.

Avenir du Web ou pratique nuisible ?
La pratique de la curation peut apporter une valeur ajoutée dans des domaines très variés, tels que la documentation, le journalisme, l’éducation, la recherche scientifique mais aussi les organisations et les entreprises. Les enjeux sont nombreux et vont de la valorisation de l’humain dans le processus d’accès à l’information à la capitalisation et l’enrichissement de cette information : la curation deviendrait une agrégation des pratiques existantes, une sorte de point de convergence entre les pratiques de recherche, tagging, veille, gestion des connaissances etc. Cependant, le débat est très vif sur les bénéfices réels d’une telle pratique : on dénonce notamment un pillage des contenus du Web et des droits d'auteurs bafoués. On craint aussi une dérive techniciste (curation automatisée), une amplification de la redondance – alors que la curation devrait justement servir à la combattre ! – et une valorisation des médiateurs au détriment des créateurs de l’information, avec un problème redoublé d’évaluation de la crédibilité de l’information.

Des enjeux pour les professionnels de l’info-doc
De plus, la profusion d’outils de curation et leur facilité de prise en main permettent à tout internaute de devenir curateur, d’une part en exploitant la recherche sociale, de l’autre en s’appropriant de l’édition du contenu qui était jusqu’alors détenue par les professionnels. Ces derniers doivent réussir à se positionner en tant que pilotes de ces nouvelles pratiques, par exemple en animant des communautés de curateurs.

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