mercredi 14 janvier 2015

Lutte contre le terrorisme et surveillance numérique


Suite aux attentats perpétrés la semaine dernière dans la capitale, plusieurs politiques réclament des moyens supplémentaires pour contrer et surveiller les réseaux terroristes présents sur Internet. Qu'en est-il de l'arsenal législatif aujourd'hui ?

Apologie du terrorisme sur Internet


Plusieurs milliers de messages publiés sur les réseaux sociaux soutenant les auteurs des attentats réalisés la semaine dernière, avec en particulier le hashtag #JesuisKouachi, ont été signalés sur la plateforme de signalement Pharos[1], gérée par la police nationale. Le Premier ministre Manuel Valls a déclaré au lendemain des attaques : "Je ne veux plus que, sur Internet, on puisse avoir ces mots effrayants de haine" [2]. Plusieurs auteurs de ces publications ont été arrêtés et condamnés cette semaine, dont un à un an de prison ferme, suite à une vidéo postée sur Facebook. En faisant l’apologie du terrorisme sur Internet, les auteurs risquent depuis la loi du 13 novembre 2014 sept ans de prison et 100 000 euros d’amende [3].

Blocage des sites


Concernant certains sites internet qui contiennent des contenus illicites (propagande, vidéos appelant à commettre des actes de terrorisme, ...), il est désormais possible de les bloquer sur demande d'une autorité administrative et ce, sans passer par un juge. Le fournisseur d'accès à internet devra alors s'exécuter sans délais. Le projet de décret de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPPSI 2) a été notifié en urgence à Bruxelles suite à "l’accélération des phénomènes constatés de radicalisation par l’usage d’internet". Ce décret sera publié au Journal Officiel prochainement, après avoir été lu par les autres États Européens [4].

Recueil des données de connexion


Il est également possible de recueillir des informations cruciales échangées par les personnes suspectées de terrorisme elles-mêmes. Suite à la publication du décret le 24 décembre 2014, la loi de programmation militaire (LPM) est entrée en application le 1er janvier 2015 [5].  Le controversé article 20 légalise la demande de données liées, entre autres, à la "prévention du terrorisme". Il s'agit de données concernant les données de connexion (identité de la personne, date et heure de communication, etc ...). Les données sont conservées pour une durée maximale de trois ans. Mais suite aux protestations de la CNIL, la DGSE, la DGSI ou tout autre service de renseignement n'auront pas la possibilité d'installer des logiciels d’espionnage de manière intensive sur les réseaux des opérateurs comme prévu dans un premier temps. Ces données seront d'abord recueillies par les opérateurs eux-mêmes, puis transmises aux services concernés.

Protestations et pistes


A travers le recueil de données personnelles et la suppression de contenus, plusieurs voix s'élèvent contre ce "Patriot Act à la française" [6] et dénoncent une atteinte aux libertés individuelles, voire une censure.
D'autres mettent en avant le fait que les auteurs des attentats terroristes commis sur le sol français ces dernières années auraient eu une utilisation restreinte d'Internet pour passer à l'acte, ces derniers ayant reçu avant tout une "formation" directe en prison au contact de co-détenus radicalisés [7]. De plus, le blocage des sites incriminés pourrait supprimer des informations potentiellement utiles aux policiers, qui s'infiltrent sur ces sites et récoltent ainsi de précieuses informations.
Enfin, plusieurs spécialistes lancent d'autres pistes permettant de lutter contre le terrorisme sur internet. Benoît Thieulin, président du Conseil national du numérique, souhaite une éducation civique numérique, pour apprendre aux jeunes à exercer un regard critique et citoyen envers les messages publiés sur les réseaux sociaux [8].

Sources


[1] Ministère de l'Intérieur. Portail officiel de signalement de contenus illicites de l'Internet.https://www.internet-signalement.gouv.fr/PortailWeb/planets/Accueil!input.action (consulté le 14/01/2015).

[2] Jean-Baptiste DIEBOLD. [en ligne le 13/01/2015]. La question de la surveillance du net à nouveau sur la table. http://www.challenges.fr/politique/20150112.CHA2156/la-question-de-la-surveillance-du-net-a-nouveau-sur-la-table.html?utm_content=buffer4cfc3&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer (consulté le 14/01/2015)
 
[3] LOI n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (1)
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029754374&dateTexte=&categorieLien=idhttp://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029754374&dateTexte=&categorieLien=id (consulté le 14/01/2015)

[4] Marc REES. [en ligne le 9/01/2015]. Le blocage des sites administratifs est sur la rampe. http://www.nextinpact.com/news/91534-le-decret-l-article-20-lpm-publie-on-fait-point.htm (consulté le 14/01/2015).

[5] Pascal SAMAMA. [en ligne le 12/01/2015]. Terrorisme : les armes du gouvernement pour surveiller et filtrer Internet. http://pro.01net.com/editorial/640701/terrorisme-les-armes-du-gouvernement-pour-surveiller-et-filtrer-internet/ (consulté le 14/01/2015).

[6] William ANDUREAU. [en ligne  le 13/01/2015] . " Le Patriot Act à la française, on n'en est pas loin." http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/01/13/patriot-act-a-la-francaise-il-est-important-de-garder-la-tete-froide_4555146_4408996.html (consulté le 14/01/2015).

[7] Damien LELOUP. [en ligne le 12/01/2015] Paris, Bruxelles, Toulouse, la radicalisation des terroristes n'a pas eu lieu sur le web. http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/01/12/paris-bruxelles-toulouse-la-radicalisation-des-terroristes-n-a-pas-eu-lieu-sur-le-web_4554384_4408996.html?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter#xtor=RSS-3208  (consulté le 14/01/2015).

[8] Le Décodeur du numérique. [en ligne le 12/01/2015] Benoit Thieulin : « Accuser internet, les réseaux sociaux ou les algorithmes de tous les maux n’avance pas à grand chose.

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