mardi 17 mars 2015

Le nouveau module SciVerse: quelles implications pour la recherche?

Un module d'analyse d'un nouveau genre chez Elsevier

Elsevier a annoncé en février dernier la création d'un nouveau module incorporé dans SciVal (sa plate-forme d'analyse) intitulé SciVerse [1]:il s'agit selon l'éditeur d'une plate-forme qui va permettre aux chercheurs de trouver d'autres auteurs, des publications et des journaux susceptibles de les intéresser. La plate-forme utilisera les citations, mais également les données d'usage des chercheurs[2] utilisant Scopus et Science Direct. On ne s'appuie donc plus uniquement sur les publications des chercheurs, mais sur les données disponibles sur l'ensemble des utilisateurs utilisant ces services en ligne, en utilisant une approche Big Data. Concrètement, les "traces" laissées par les utilisateurs  vont permettre de dégager des profils thématiques, entre autres possibilités.

L’intérêt est ici d'inclure les utilisateurs qui ne publient pas, mais qui utilisent la plate-forme (pour faire des recherches par exemple), et permet d'intégrer de nouvelles données. Selon Elsevier [3], il sera donc possible d'évaluer l’intérêt pour telle ou telle thématique de recherche, cibler les auteurs/institutions/éditeurs populaires, ou encore produire de nouvelles métriques d'analyse de la performance, ce qui ne manquera pas de susciter quelques questions.

Big Data et IST: quelle approche de la science, pour quels bénéficiaires?

Comme le relève l'article de l'INIST [2], Elsevier joue ici de sa taille et du nombre d'utilisateurs dépendant de ses services (pour publier ou consulter une publication) pour mettre en place une approche Big Data, une première à cette échelle pour l'information scientifique et technique (IST). Par ce biais, l'éditeur se positionne sur la "Research Intelligence", tournée vers l'entreprise et les décideurs soucieux d'investir dans la recherche et développement. Cette approche, développée par le leader mondial de l'édition scientifique, contribuera certainement à renforcer son hégémonie, et à imposer son modèle économique, qui suscite par ailleurs de nombreuses réserves [4].

De plus, alors que les données de SciVerse pouvaient déjà être réutilisées par  des "tiers" [5] pour développer des API ou d'autres types d'applications commerciales, SciVal Trends peut légitimement susciter des interrogations sur l'utilisation des données de la recherche, et leur contrôle par les chercheurs eux-mêmes. Ce type de service va également favoriser les grandes organisations, et principalement les grands groupes privés, qui ont les moyens humains et financiers de s'engager dans une démarche Big Data. Or, ceci aura des implication sur les financements de la recherche en général, puisqu'il pourrait favoriser les thématiques jugées les plus "populaires". De manière plus globale, on peut s'interroger sur la nature et la fiabilité des algorithmes utilisés, et sur les contrôles exercés sur ces algorithmes.   

Références:


[1] Elsevier, "New SciVal Trends module lets users analyze their own research areas (with webinar)", publié en ligne le 25 février 2015 (consulté le 17 mars 215)
 http://www.elsevier.com/connect/new-scival-trends-module-lets-users-analyze-their-own-research-areashttp://www.elsevier.com/connect/new-scival-trends-module-lets-users-analyze-their-own-research-areas

[2]INIST-CNRS, "Elsevier annonce le lancement de SciVal Trends qui exploite et analyse les données d'usage des chercheurs utilisant Scopus et Science Direct", publié le 13 mars 2015 dans DIST Info.
http://www.cnrs.fr/dist/z-outils/documents/Distinfo2/Distinf13.pdf
 
[3]GFII, "Elsevier Announces the Launch of SciVal Trends, a New Module for Research Analyses which Incorporates Citation and Usage Data", publié en ligne le 25 février 2015 (consulté le 17 mars 2015).
http://www.gfii.fr/fr/document/elsevier-announces-the-launch-of-scival-trends-a-new-module-for-research-analyses-which-incorporates-citation-and-usage-data


[4]"Protocole d’accord Elsevier : vers le maintien de la rente et la confirmation d’un contrôle hégémonique des données de la recherche", publié en ligne par SavoirCom1 le 21 février 2014 (consulté le 17 mars 2015)
http://www.savoirscom1.info/2014/02/protocole-daccord-elsevier-vers-le-maintien-de-la-rente-et-la-confirmation-dun-controle-hegemonique-des-donnees-de-la-recherche/

[5]Martin Fenner, "Elsevier launches SciVerse, integrates ScienceDirect + Scopus + More", publié en ligne le 29 août 2010 (consulté le 17 mars 2015)
http://blogs.plos.org/mfenner/2010/08/29/elsevier_launches_sciverse_integrates_sciencedirect_scopus_more/


2 commentaires:

Christine SADIER a dit…

Ce billet est intéressant pour les centres de recherche dans le domaine de l'IST.
Il donne des éléments de réflexion pour les utilisateurs de ce type d'outil d'analyse.

Gregory a dit…

Il est clair que les modèles économiques des éditeurs de publications scientifiques sont en danger, et que de rediriger vers l'exploitation des datas, metadatas et de leur flux permettra à elsevier & Co de s'en sortir.